dimanche 8 mars 2009

Psychologie: when "the show must go on"

On attend des juges ou des thérapeutes qu'ils expriment des émotions neutres; pour leur part, les bill collectors doivent exprimer des émotions négatives comme la colère. Les employés d'entreprises qui dispensent des services au public, quant à eux, doivent exprimer des émotions positives (sourire, surtout), coûte que coûte. C'est la plupart du temps ce qu'on leur demande.

Bien entendu, les émotions ressenties par ces employés ne sont pas toujours positives. Pour ainsi respecter leur rôle (et garder leur job), ils font du acting -- comme les acteurs! D'où le titre: je vais vous parler des différentes formes d'acting que les employés font, et leurs conséquences. Selon la perspective dramaturgique, le service à la clientèle est une performance théâtrale par un employé, organisée par l'entreprise.

Donc, les employés doivent sourire, mais ne sont pas dans le mood. Ce qu'ils peuvent faire pour afficher les émotions attendues d'eux:
  • acting de surface: reproduire l'expression faciale qui correspond à l'émotion attendue d'eux (par exemple, faire un sourire fake, versus le véritable sourire de Duchenne)
  • acting de profondeur: tenter de modifier l'état interne de façon à ce que l'expression voulue soit affichée (par exemple, réfléchir à un moment heureux pour afficher le sourire; les bons acteurs, apparemment, utilisent cette technique).

Les deux formes d'acting exigent un effort. En ce sens, elles pourraient potentiellement les deux mener au burn-out -- nous en parlerons plus loin.

L'acting de surface entraîne une dissonance émotionnelle, car l'émotion interne et l'émotion affichée ne sont pas la même. Des études démontrent que les clients sont généralement capables de distinguer une émotion authentique versus superficielle, et que le service est plus hautement évalué lorsque l'émotion affichée est authentique (i.e., pas issue de l'acting de surface). L'acting de profondeur, lui, tente de diminuer la disonnance émotionnelle.

Qu'est-ce qui fait qu'un employé va faire de l'acting, et pourquoi choisit-il un mode d'acting plutôt que l'autre?

Il y a deux facteurs qui influencent l'employé dans sa décision de faire de l'acting:

  • plus l'employé est satisfait de sa job, moins il fera de l'une ou l'autre sorte d'acting, car de toute façon, il est déjà relativement de bonne humeur; plus l'employé est insatisfait de sa job, plus il faut de l'acting, des 2 sortes -- particulièrement en ce qui a trait à l'acting de surface;
  • lorsque les employés sont conscients des règles d'affichage (i.e., leur devoir d'afficher certaines émotions bien précises en face du client), ils font plus d'acting de profondeur (mais ça n'influence pas leur niveau d'acting de surface)

Les conséquences des deux sortes d'acting sur l'employé

L'acting de surface est fortement corrélé avec l'épuisement émotionnel, qui est la composante principale du burn-out. De même, l'épuisement émotionnel est fortement corrélé à l'échec de l'acting, c'est-à-dire que plus les personnes font de l'acting de surface, plus elles souffrent d'épuisement émotionnel, et plus elles souffrent d'épuisement émotionnel (burn-out), moins elles arrivent à cacher leurs émotions négatives devant le client. Pour ce qui est de l'acting de profondeur, même s'il exige un grand effort!, il n'est pas lié à l'épuisement émotionnel ou au burn-out. Il permet aussi (par définition) de réduire la dissonance émotionnelle, ce qui est certainement un point positif.

Les conséquences des deux sortes d'acting sur le client

Tel qu'énoncé plus tôt, l'acting de surface peut être détecté par le client, et lorsque détecté, le service rendu est moins bien évalué. Au contraire, l'acting de prondeur mène à des bonnes évaluations du service rendu. De plus, cet acting de profondeur n'est pas décelé -- il a le pouvoir de convaincre une audience.

Conclusion

Bref, il serait avantageux d'entraîner les employés de service à la clientèle à l'acting de profondeur, car il mène à des conséquences positives tant chez l'employé lui-même (diminution de la dissonance émotionnelle) que chez le client (meilleure évaluation du service). C'est l'inverse dans le cas de l'acting de surface, qui mène à des conséquences négatives chez l'employé (burn-out, échec à l'acting) et chez le client (décèle l'arnaque et évalue moins bien le service).

Le problème est que les deux types d'acting sont corrélés entre eux: les gens qui font de l'acting de profondeur tendent aussi à faire de l'acting de surface. L'hypothèse actuelle est que l'acting de profondeur ne permet pas complètement de changer l'état interne (par exemple, vivre une émotion positive si l'employé se doit de sourire); l'acting de surface complèterait alors le travail.

Doit-on en conclure qu'il doit être difficile de travailler en service à la clientèle? Probablement.

P.S.: dans certains centres d'appels -- où le service à la clientèle se fait par téléphone --, les employés ont devant eux un miroir, pour leur rappeler qu'ils doivent constamment, coûte que coûte, sourire à leur téléphone.

2 commentaires:

Seigneur a dit...

Ça me rappelle quand je travaillais au Jean Coutu et que je faisais de l'acting de profondeur en m'imaginant en train d'attaquer vicieusement le client qui était en train de me demander de l'aide.

J'étais l'un des meilleurs! Merci acting de profondeur!

Anonyme a dit...

Comme la madame avec le papier de toilette double épaisseur?

-Kevin