dimanche 21 décembre 2008

Psychologie: la psychologie évolutionniste

La psychologie évolutionniste (angl. Evolutionary psychology) est une sous-branche de la psychologie (au même titre que la psychologie cognitive, la psychologie sociale, etc.) qui étudie l’esprit et le comportement humain en appliquant les principes de la sélection naturelle darwinienne.

Sélection naturelle

Pour ceux qui ne savent pas ce qu’est la sélection naturelle de Charles Darwin (1809-1882), je vais la résumer très brièvement. Il s’agit en fait d’une théorie qui explique comment les animaux (incluant les humains) ont évolué au fil des millénaires. Elle stipule que si un organisme a une caractéristique qui favorise sa survie ou sa reproduction, cette caractéristique sera léguée aux générations futures, alors que les autres qui favorisent moins la survie ou la reproduction, ne seront pas transmises aux générations futures et seront donc éventuellement éliminées du bassin de gènes de la population.

Exemple : un chat a des oreilles qui bougent plus facilement que celles de la plupart des autres chats. Ce chat détecte plus facilement les prédateurs, et s’enfuit plus rapidement, et survit donc alors que certains autres chats se font tuer. Ce chat se reproduit, et lègue ainsi ses oreilles mouvantes (lol) à ses rejetons; les quelques chats qui sont morts et qui n’avaient pas les gènes procurant ces oreilles magiques n’ont évidemment pas de chatons. Dans la génération suivante donc, on retrouve une plus grande proportion de chats aux oreilles mouvantes que dans la première génération. Au fil des générations, il ne restera plus que des chats aux oreilles mouvantes.

Un autre type de sélection est la sélection artificielle, par exemple comme on fait avec les poules pour avoir de plus gros œufs. Les cultivateurs se débarrassent de leurs poules qui donnent de petits œufs, et font reproduire celles qui en donnent de plus gros; au fil des générations, le cultivateur n’a plus que des poules qui donnent des gros œufs. (On dit que c’est une sélection artificielle parce qu’elle est due à l’action humaine).

Les fondements de la psychologie évolutionniste

Tel qu’énoncé plus haut, la psychologie évolutionniste postule que le cerveau a évolué selon une sélection naturelle. En ce sens, les comportements et capacités cognitives qui ont été adaptatives pour l’individu (i.e., qui lui ont permis de survivre et de se reproduire) sont celles que nous avons aujourd’hui.

Le cerveau aurait évolué pour résoudre les problèmes rencontrés par les chasseurs-cueilleurs de la période du Pléistocène, il y a plus de 10 000 ans.

La psychologie évolutionniste s’intéresse à répondre à certaines questions comme :
  • Pourquoi est-ce que les gens discriminent d’autres qui semblent différents d’eux?
  • Pourquoi est-ce que certaines caractéristiques faciales ou corporelles sont plus attirantes que d’autres, et ce à travers toutes les cultures?
  • Les humains sont-ils monogames ou polygames?
  • Etc.

Vous aurez remarqué que la psychologie évolutionniste s’intéresse plus à ce qui est inné que ce qui est acquis, et qu’elle s’intéresse plus à ce qu’on retrouve chez tous les humains, indépendamment des cultures.

Causes proximales vs distales (proximate v. ultimate causes)

Étant donné que la psychologie évolutionniste s’intéresse à la façon que notre passé ancestral a façonné notre cerveau et notre comportement, elle privilégie des explications distales des comportements. Elle cherche les causes des comportements (par exemple, la discrimination) dans la fonction adaptative que ceux-ci avaient pour nos ancêtres, ce qui aurait favorisé leur transmission de génération en génération.

En général, la psychologie s’intéresse aux causes proximales des comportements. Par exemple, j’ai discriminé parce que j’ai perçu la personne comme ne faisant pas partie du même groupe que le mien; j’ai aidé une personne en difficulté parce que j’étais le seul sur les lieux. La psychologie évolutionniste se demanderait plutôt : quelle est la fonction de la discrimination? Pourquoi est-ce que les humains ont développé un système réciproque d’altruisme?

En résumé, nous dirons que les explications proximales posent la question du comment, alors que les explications distales posent la question du pourquoi (quelle est la fonction adaptative).

Place de la psychologie évolutionniste au sein de la psychologie

La psychologie évolutionniste est une discipline récente, et par ailleurs très peu populaire. On la retrouve surtout aux Etats-Unis. À ce jour, il n’est pas possible de faire un doctorat en psychologie évolutionniste au Québec; un de mes profs trouve d’ailleurs que nous sommes « en retard ».

Une des raisons possibles pour laquelle le cadre théorique de la psychologie évolutionniste n’est pas bien vu au sein de la psychologie en général est ce que certains auteurs nomment la biophobie, soit la peur quasi-pathologique que les scientifiques sociaux ont développé par rapport aux explications biologiques du comportement humain (Ellis, 1996).

12 faits, réponses & autres trivia

  • Les humains ne descendent pas des chimpanzés; plutôt, les deux descendent d’un ancêtre commun. Les chimpanzés ont développé leurs propres adaptations spécifiques, que nous n’avons pas (le train et la voiture viennent d’un même précurseur – nommément, le chariot tiré par des chevaux --, et il n’y a aucun sens à dire que le train est plus sophistiqué que la voiture… ou vice versa);
  • Certaines adaptations favorisent la passation des gènes à la génération suivante, mais viennent avec des coûts; toutefois, ces coûts ne sont pas suffisants pour enrayer les bénéfices, et les adaptations sont donc maintenues au sein d’une population. Par exemple : le trouble bipolaire et la schizophrénie… vieux comme le monde, très héréditaires, mais persistants.
  • Des psychologues ont conclus que certaines cultures d’humains étaient moins évoluées après leur avoir administré des tests d’intelligence (par exemple, des habitants de la Nouvelle-Guinée). Dans ces tests, on demandait d’identifier des parties manquantes sur une photo de gramophone (!), et sur une photo de terrain de tennis (!).
  • L’humain est surtout monogame… mais beaucoup plus la femme que l’homme;
  • L’altruisme en dehors du cercle familial (exemple, aider un inconnu qui est en difficulté), est présent chez certaines autres espèces, mais est très rare SAUF chez l’humain;
  • On performe si mal dans le dilemme du prisonnier (où la stratégie rationnelle est de dénoncer l’autre) parce que nous avons évolué dans des situations où le dilemme du prisonnier se reproduit constamment, et que les animaux se souviennent ce qui s’est produit la fois précédente; il est alors bien mieux de ne pas dénoncer son partenaire, parce qu’il nous dénoncerait à son tour à la prochaine occasion. Exemple: durant la première guerre mondiale (1914-1919), certaines troupes tiraient intentionnellement par-dessus les têtes des ennemis, pour les manquer. Quand les soldats se sont rendus compte qu’ils rencontraient les mêmes adversaires, la faveur a été rendue, et le fiasco s’est vite transformé en une symphonie de balles tirées vers le ciel. (Quand les dirigeants ont découvert ce jeu-jeu, ils ont commencé à changer les troupes de place, et les cadavres ont recommencé à s’empiler);
  • On a développé les stéréotypes parce que souvent, une décision sociale doit être faite rapidement, et il a été démontré que les stéréotypes basés sur l’expérience personnelle (versus ceux qu’on se forme suite à des ouïe dires) sont la plupart du temps corrects;
  • Le système visuel ne reproduit pas ce qui se retrouve dans l’environnement, puisque ceci ne serait pas adaptatif. Nous regretterions de conclure à des lignes jaunes et noires disparates plutôt qu’à un tigre partiellement caché derrière de l’herbe haute;
  • Les coûts qui viennent avec un gros cerveau sont les suivants : il consomme 20% de l’énergie du corps alors qu’il ne représente que 3% de la masse corporelle; la grosseur de la tête rend la mort par fracture du cou beaucoup plus fréquente que chez les autres primates; plus d’enfants et de mères meurent lors de l’accouchement que chez les autres primates;
  • Nous sommes DE LOIN meilleurs pour travailler avec des fréquences qu’avec des probabilités (pour une raison évolutionniste un peu compliquée…). Les animaux sont eux aussi habiles à utiliser l’information basée sur des fréquences d’occurrence;
  • Nous sommes meilleurs pour vérifier si telle règle logique a été respectée ou pas dans une situation où il s’agit de détecter des abuseurs (des personnes qui ne respectent pas les contrats sociaux; des cheaters), ainsi que dans une situation qui met en scène l’évitement de stimuli contaminés (exemple, tirer des conclusions sur des énoncés si on donne la règle « if you clean up spilled blood, then you must wear rubber gloves »). Le raisonnement logique est en quelque sorte facilité dans ces deux cas-là;
  • Les humains préfèrent les choix où les probabilités de succès sont connues, quelles qu’elles soient.

3 commentaires:

Seigneur a dit...

wow pat... tu y'as mis le paquet...

les faits divers à la fin sont vraiment le fun! j'ai adoré!

Amine a dit...

t'assures au max avec tes récents articles

Patrick a dit...

lol merci Amine.. pourtant celui davant était très très très moyen, le lendemain javais 2 examens et un travail à remettre, alors javais été un peu moins intense.. lol

merci bcp pour le commentaire, C'EST APPRÉCIÉ ET JEN PRENDS BONNE NOTE